
Les relations humaines, défi de l'humanité
Sylvain Bourgois, juin 2025
Il est souvent difficile de se confronter à autrui. Le réel et l’altérité constituent fréquemment des épreuves pour notre expérience du monde et pour notre identité. L’échange avec l’autre peut être une opportunité de croissance, mais il peut aussi engendrer de la souffrance, notamment lorsqu’il n’y a pas de validation de ce que nous pensons, de ce que nous sommes, ou même de ce que nous vivons intérieurement sur un plan plus intime ou mystique.
Nous portons parfois des blessures profondes, et le processus de confrontation à l’autre peut réveiller ces fragilités — surtout lorsque notre histoire nous a exposés à des formes de violence éducative, à des tentatives brutales de normalisation qui ont étouffé notre capacité à explorer, découvrir, intégrer à notre rythme les contraintes et les limites du monde. Pour les personnes sensibles et intelligentes, capables de naviguer entre les plans de l’imaginaire, des émotions, des sensations, du réel et des perceptions intérieures parfois très riches, cette violence peut rendre complexe le travail d’unification de l’expérience de vie. Car elle fragmente notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. Lorsque nous avons été exposés trop tôt à des formes de rejet, de contrainte ou d’invalidation, nous apprenons à nous adapter en compartimentant nos émotions, nos pensées, nos perceptions. Nous développons parfois des stratégies de survie qui nous éloignent de notre cohérence intérieure.
Nous pouvons alors avoir du mal à relier ce que nous ressentons avec ce que nous pensons, ce que nous croyons avec ce que nous vivons, ce que nous percevons avec ce que nous exprimons. Cette dispersion intérieure nous empêche de construire une vision stable et intégrée de qui nous sommes. C’est comme si différentes parties de nous-mêmes restaient isolées, sans pouvoir se rejoindre pleinement dans une unité apaisée.
Unifier notre expérience de vie suppose que nous puissions donner sens à ce que nous avons vécu, en reconnaître les blessures sans nous y réduire, et reconnecter les différentes dimensions de notre être. Cela demande du temps, de la sécurité, et parfois un regard bienveillant qui nous autorise à rassembler ce qui avait été disloqué.
Sans un accompagnement sécurisant, structurant et porteur de sens positif, cette construction intérieure devient un défi immense. Et pourtant, nombreux sont ceux qui, en dépit de figures d’attachement faibles ou peu attentives à leur sensibilité, à leur besoin de sécurité psycho-affective et à leur singularité neurologique, ont su relever ce défi. Nous cherchons parfois ces repères essentiels auprès d’autres personnes, tout au long de notre parcours. Et c’est là une quête profondément humaine.
Et c’est aussi là que notre attachement aux humains réels peut ne pas suffire. Car nous sommes parfois vite déçus, confrontés aux imperfections de l’autre, à ses limites, à ses maladresses. Le regard de l’autre peut, sans le vouloir, mettre en lumière nos morcellements, nos incohérences, notre difficulté à être en paix avec le monde, avec les contraintes du réel. Cette confrontation, si elle n’est pas portée par une grande délicatesse, peut réveiller en nous un sentiment de jugement, de rejet, de dévalorisation, voire de honte.
Alors, nous pouvons nous tourner vers Dieu — ou vers une Présence transcendante — comme un refuge. Parce qu’en Lui, nous découvrons un soutien absolu, inconditionnel, réconfortant, structurant. Il ne nous juge pas, ne nous rejette pas, ne nous contraint pas à performer. Et pourtant, dans cette consolation infinie, nous risquons parfois d’annuler la valeur – toute relative mais essentielle – de la relation à l’autre humain. Le vrai autre. Celui qui est imparfait, mais qui a cheminé, qui tend la main, avec douceur et patience.
Accueillir cet autre-là, imparfait et présent, c’est parfois le geste le plus difficile… et le plus nécessaire.
Cette expérience peut devenir profondément éprouvante. Car elle met à nu, souvent malgré nous, nos besoins non reconnus, nos manques affectifs, nos souffrances anciennes, notre difficulté à nous structurer intérieurement, à trouver un apaisement durable. Elle ravive ce que nous avons appris à contenir, à refouler ou à masquer pour survivre : notre vulnérabilité. Et face à cette mise en lumière, nous pouvons être saisis par une forme de terreur sourde ou d’angoisse diffuse, comme si un abîme s’ouvrait sous nos pieds. Cette tension intérieure n’est pas abstraite : elle est le fruit de notre histoire.
Lorsque nous avons été exposés à des formes précoces de maltraitance, à des figures d’autorité qui ont voulu nous conformer sans douceur, sans écoute ni patience, alors tout regard extérieur peut devenir menaçant. Chaque mot, chaque silence même, peut se charger de soupçon. Le monde relationnel, au lieu d’apaiser, devient un champ de mines. Nous sommes alors habités par l’attente du faux pas, du piège, du moment où l’autre dévoilera enfin son vrai visage : celui de l’abuseur, du traître, du dominateur masqué.
Pour une personne marquée par la blessure de trahison, cette confrontation à l’altérité ravive les failles d’un attachement brisé. Il ne s’agit pas seulement d’un inconfort passager, mais d’une réactivation psychique intense : les souvenirs de manipulation, de double discours, d’humiliation ou de contrôle reviennent non pas comme des faits du passé, mais comme des menaces imminentes. Nous projetons alors sur l’autre des intentions hostiles, non par choix, mais parce que notre psychisme cherche à se protéger d’une nouvelle blessure.
Le regard de l’autre, au lieu de nous offrir un miroir bienveillant, est perçu comme un projecteur intrusif. Et si l’autre perçoit notre trouble, notre méfiance, cela peut renforcer en nous le sentiment d’être démasqué, jugé, ou même exposé à une forme d’anéantissement psychique. Nous nous replions, nous nous armons, parfois intérieurement, parfois extérieurement, dans un effort désespéré pour ne pas être à nouveau envahis, instrumentalisés, détruits.
C’est pourquoi toute proposition de rencontre vraie, de relation apaisée, demande pour nous une sécurité d’un niveau presque absolu. Et c’est souvent dans cette impasse que nous nous réfugions dans l’absolu divin : Dieu, ou une Présence transcendante, qui, Lui, ne trahit pas, ne manipule pas, ne nous abandonne pas. Mais ce refuge, aussi essentiel soit-il, peut parfois devenir une forteresse. Nous y trouvons la paix… mais nous y enfermons aussi notre peur.
Le défi, alors, consiste à réapprendre — lentement, prudemment, patiemment — à faire confiance à des humains réels. Non pas parfaits, mais stables. Non pas toujours justes, mais sincèrement présents. Des présences qui ne cherchent pas à s’imposer, mais à accompagner. Non pour se valoriser parce que ce n'est pas leur besoin peut être mais pour le bonheur d'aimer et aider son prochain .. Et peut-être, un jour, pouvons-nous baisser un peu la garde, juste assez pour que s’ouvre un espace de respiration, où la relation redevient possible, sans domination, sans illusion, sans effroi. ...
Je crois que ces mots sans doute allusifs me semblent importants à poser sur ce que je ressens et je crois comprendre de nos défis pour avancer dans l'amitié et l'amour sur cette planète ...
Il est souvent difficile de se confronter à autrui. Le réel et l’altérité constituent fréquemment des épreuves pour notre expérience du monde et pour notre identité. L’échange avec l’autre peut être une opportunité de croissance, mais il peut aussi engendrer de la souffrance, notamment lorsqu’il n’y a pas de validation de ce que nous pensons, de ce que nous sommes, ou même de ce que nous vivons intérieurement sur un plan plus intime ou mystique.
Nous portons parfois des blessures profondes, et le processus de confrontation à l’autre peut réveiller ces fragilités — surtout lorsque notre histoire nous a exposés à des formes de violence éducative, à des tentatives brutales de normalisation qui ont étouffé notre capacité à explorer, découvrir, intégrer à notre rythme les contraintes et les limites du monde. Pour les personnes sensibles et intelligentes, capables de naviguer entre les plans de l’imaginaire, des émotions, des sensations, du réel et des perceptions intérieures parfois très riches, cette violence peut rendre complexe le travail d’unification de l’expérience de vie.
car elle fragmente notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. Lorsque nous avons été exposés trop tôt à des formes de rejet, de contrainte ou d’invalidation, nous apprenons à nous adapter en compartimentant nos émotions, nos pensées, nos perceptions. Nous développons parfois des stratégies de survie qui nous éloignent de notre cohérence intérieure.
Nous pouvons alors avoir du mal à relier ce que nous ressentons avec ce que nous pensons, ce que nous croyons avec ce que nous vivons, ce que nous percevons avec ce que nous exprimons. Cette dispersion intérieure nous empêche de construire une vision stable et intégrée de qui nous sommes. C’est comme si différentes parties de nous-mêmes restaient isolées, sans pouvoir se rejoindre pleinement dans une unité apaisée.
Unifier notre expérience de vie suppose que nous puissions donner sens à ce que nous avons vécu, en reconnaître les blessures sans nous y réduire, et reconnecter les différentes dimensions de notre être. Cela demande du temps, de la sécurité, et parfois un regard bienveillant qui nous autorise à rassembler ce qui avait été disloqué.
Sans un accompagnement sécurisant, structurant et porteur de sens positif, cette construction intérieure devient un défi immense. Et pourtant, nombreux sont ceux qui, en dépit de figures d’attachement faibles ou peu attentives à leur sensibilité, à leur besoin de sécurité psycho-affective et à leur singularité neurologique, ont su relever ce défi. Nous cherchons parfois ces repères essentiels auprès d’autres personnes, tout au long de notre parcours. Et c’est là une quête profondément humaine.
Et c’est aussi là que notre attachement aux humains réels peut ne pas suffire. Car nous sommes parfois vite déçus, confrontés aux imperfections de l’autre, à ses limites, à ses maladresses. Le regard de l’autre peut, sans le vouloir, mettre en lumière nos morcellements, nos incohérences, notre difficulté à être en paix avec le monde, avec les contraintes du réel. Cette confrontation, si elle n’est pas portée par une grande délicatesse, peut réveiller en nous un sentiment de jugement, de rejet, de dévalorisation, voire de honte.
Alors, nous pouvons nous tourner vers Dieu — ou vers une Présence transcendante — comme un refuge. Parce qu’en Lui, nous découvrons un soutien absolu, inconditionnel, réconfortant, structurant. Il ne nous juge pas, ne nous rejette pas, ne nous contraint pas à performer. Et pourtant, dans cette consolation infinie, nous risquons parfois d’annuler la valeur – toute relative mais essentielle – de la relation à l’autre humain. Le vrai autre. Celui qui est imparfait, mais qui a cheminé, qui tend la main, avec douceur et patience.
Accueillir cet autre-là, imparfait et présent, c’est parfois le geste le plus difficile… et le plus nécessaire.
Cette expérience peut devenir profondément éprouvante. Car elle met à nu, souvent malgré nous, nos besoins non reconnus, nos manques affectifs, nos souffrances anciennes, notre difficulté à nous structurer intérieurement, à trouver un apaisement durable. Elle ravive ce que nous avons appris à contenir, à refouler ou à masquer pour survivre : notre vulnérabilité. Et face à cette mise en lumière, nous pouvons être saisis par une forme de terreur sourde ou d’angoisse diffuse, comme si un abîme s’ouvrait sous nos pieds. Cette tension intérieure n’est pas abstraite : elle est le fruit de notre histoire.
Lorsque nous avons été exposés à des formes précoces de maltraitance, à des figures d’autorité qui ont voulu nous conformer sans douceur, sans écoute ni patience, alors tout regard extérieur peut devenir menaçant. Chaque mot, chaque silence même, peut se charger de soupçon. Le monde relationnel, au lieu d’apaiser, devient un champ de mines. Nous sommes alors habités par l’attente du faux pas, du piège, du moment où l’autre dévoilera enfin son vrai visage : celui de l’abuseur, du traître, du dominateur masqué.
Pour une personne marquée par la blessure de trahison, cette confrontation à l’altérité ravive les failles d’un attachement brisé. Il ne s’agit pas seulement d’un inconfort passager, mais d’une réactivation psychique intense : les souvenirs de manipulation, de double discours, d’humiliation ou de contrôle reviennent non pas comme des faits du passé, mais comme des menaces imminentes. Nous projetons alors sur l’autre des intentions hostiles, non par choix, mais parce que notre psychisme cherche à se protéger d’une nouvelle blessure.
Le regard de l’autre, au lieu de nous offrir un miroir bienveillant, est perçu comme un projecteur intrusif. Et si l’autre perçoit notre trouble, notre méfiance, cela peut renforcer en nous le sentiment d’être démasqué, jugé, ou même exposé à une forme d’anéantissement psychique. Nous nous replions, nous nous armons, parfois intérieurement, parfois extérieurement, dans un effort désespéré pour ne pas être à nouveau envahis, instrumentalisés, détruits.
C’est pourquoi toute proposition de rencontre vraie, de relation apaisée, demande pour nous une sécurité d’un niveau presque absolu. Et c’est souvent dans cette impasse que nous nous réfugions dans l’absolu divin : Dieu, ou une Présence transcendante, qui, Lui, ne trahit pas, ne manipule pas, ne nous abandonne pas. Mais ce refuge, aussi essentiel soit-il, peut parfois devenir une forteresse. Nous y trouvons la paix… mais nous y enfermons aussi notre peur.
Le défi, alors, consiste à réapprendre — lentement, prudemment, patiemment — à faire confiance à des humains réels. Non pas parfaits, mais stables. Non pas toujours justes, mais sincèrement présents. Des présences qui ne cherchent pas à s’imposer, mais à accompagner. Non pour se valoriser parce que ce n'est pas leur besoin peut être mais pour le bonheur d'aimer et aider son prochain .. Et peut-être, un jour, pouvons-nous baisser un peu la garde, juste assez pour que s’ouvre un espace de respiration, où la relation redevient possible, sans domination, sans illusion, sans effroi. ...
Je crois que ces mots sans doute allusifs me semblent importants à poser sur ce que je ressens et je crois comprendre de nos défis pour avancer dans l'amitié et l'amour sur cette planète ...
Sylvain Bourgois, juin 2025
